Il y eut la démocratisation du sextoy. Il y eut la mode du porno-chic. Aujourd’hui, les temps sont au BDSM soft façon Fifty Shades of Grey. Mais qui peut se reconnaitre dans cette ambiance de SM chic ?

Un hypermarché comme un autre dans une petite ville de province. Entre les layettes et les étales de fruits et légumes, une table où le chaland découvre le best-seller sulfureux du moment : cinquante nuances de Grey, au milieu d’un décor de lingeries fines, d’huiles de massage érotique et même de menottes.

Pour peu, on se croirait dans un sexshop. Mais non, on est au beau milieu de la vie des gens comme tout le monde, là où l’on se rend en famille pour remplir le frigidaire, acheter les jouets des enfants, et préparer le repas entre copains du week-end.

SM chic, SM toc ?

Cinquante nuances de Grey : le phénomène éditorial du début de décennie. Ce sont 40 millions d’exemplaires vendus à travers le monde (dont un demi million en France), sans compter les innombrables variations sur le même thème de la manne du SM chic comme on peut le voir sur le site de Maîtresse Karine.

Le SM et l’érotisme radical vient de faire son entrée dans le foyer occidental moyen et ça ne peut que nous réjouir. Non pas qu’on ait quoi que ce soit contre le sexe « vanille » (comme disent les adeptes SM) ou contre le « sexe à la papa », mais on se dit que si la ménagère de moins de cinquante ans a un peu de choix pour sa vie sexuelle, ce n’est peut-être pas mal.

 

Alors, bien sûr, les esprit les plus chagrins parmi les pro-sexe ont tôt fait de souligner la piètre qualité littéraire du roman (qui leur donnera tort ?), le fait que, comme par hasard, c’est la femme qui se trouve soumise et initiée par l’homme dans le synopsis et tous les défauts de l’exploitation marketing du phénomène, on se dit que finalement, s’il n’y pas mal à se faire du mal, la Française moyenne a bien raison d’en profiter.

La déferlante SM chic

Il n’y a pas si longtemps, la découverte d’une paire de menottes en fourrure rose chez un couple d’amis aurait fait glousser n’importe qui. Aujourd’hui, calendriers « bondage », jeux érotiques à tendance SM et produits dérivés, type sextoys et instruments SM (paddle, martinet, cravache…), dûment estampillés Fifty Shades of Grey s’offrent à la Saint-Valentin.

Que nous dit la mode du SM soft sur notre époque ? Que les temps sont durs ? Qu’on a du mal à établir des liens ? Ou que la ménagère de moins de cinquante ans en a assez de voir sa vie érotique engoncée dans le réglage par défaut de sa morale libidineuse ?

Car après tout, rien ne nous dit que ce mouvement s’arrête au seul SM chic. Et, nous, militants de la libération sexuelle, de l’idée que chacun, et chacune, doit trouver sa propre voix dans la quête du plaisir sexuel sans se soucier du « qu’en dira-t-on », de nous dire que ce petit roman, « Harlequin » à la sauce SM chic, a finalement débloqué quelque chose.

Désormais, quand la ménagère parle de fouet, ce n’est pas nécessairement les œufs qu’elle veut battre, et c’est déjà pas mal.